Avant d’aborder les dissensions actuelles sur « Charia
or not Charia », je tenais à témoigner de ma propre approche de l’Islam si
éloigné des clichés réducteurs occidentaux et tellement éloigné des réalités du
monde arabe. Je m’excuse d’avance pour la longueur de ce parcours, pour ceux
qui auront la patience de lire ce texte jusqu’au bout, j’aimerais sincèrement
pouvoir discuter et échanger sur ce qu’est pour vous votre Islam par rapport à
mon Islam, et tant mieux si c’est notre Islam.
Venant de France et issu d’une famille chrétienne
pratiquante, la religion a toujours été intégrée, dès mon plus jeune âge, dans
les valeurs que l’on a pu m’inculquer. Des valeurs essentielles de tolérance,
de respect de l’autre, d’amour de son prochain. J’ai commencé le catéchisme à l’époque
du collège, j’accompagnais ma famille à la messe du dimanche, plutôt par
obligation familiale que pour y apprendre quoi que ce soit, tentant au mieux de
reproduire les rituels et gestuels de ceux qui occupaient les bancs de l’église.
La bible m’était expliquée lors des cours de catéchisme. En résumé, un
enseignement adapté à l’âge des enfants, porté essentiellement sur l’importance
des bonnes et mauvaises actions, dont il fallait s’excuser dans nos prières.
La prière, fût le plus bel enseignement que j’ai reçu. Je me
souviendrais toujours de ce prêtre qui m’avait dit : « Peu
importe où, quand et comment tu pries, l’essentiel est d’être sincère quand tu
t’adresses à Dieu ; regrette réellement tes fautes, pardonne à ceux qui t’ont
fait du mal et prie pour les autres, jamais pour toi ; et si tu fais du
bien autour de toi, les autres prieront aussi pour toi. ». Cet
enseignement empli de sagesse, restera gravé dans ma mémoire tout au long de ma
vie.
Mais à ce stade de ma vie et de ma culture religieuse
naissante, les « autres religions » étaient totalement inconnues pour
moi ou réellement totalement floues. Dans ce flou, les juifs, étaient pour moi
des gens qui avaient tués Jésus refusant « notre religion » ;
les musulmans, peu de choses, ils croyaient un dieu nommé « Allah »
que je n’assimilai pas du tout à « notre » Dieu, l’image de l’Islam s’apparentait
plus à un barbu au regard sombre, image véhiculée par le petit écran..
A l’adolescence, âge de la remise en cause de toutes les
valeurs, et plus précisément au lycée, la rencontre avec un élève de ma classe
Ahmed. Nous échangeons beaucoup, il me parle de sa religion, mon côté curieux
me pousse à m’y intéresser. Pourtant je n’y a vois toujours pas de lien entre
son dieu et le mien, lui à son livre, le coran, incompréhensible, je le vois
plus à l’époque comme un recueil de poésie. Moi je relis la bible, l’ancien
testament est totalement hermétique pour moi, des récits guerriers.. Le nouveau
testament, les évangiles sont beaucoup plus parlant pour moi, la vie de Jésus
racontée par ses apôtres.
Les années passent, je ne vais plus depuis longtemps à l’église,
qui ne m’apporte rien, je prie tous les soirs, parfois dans la journée comme me
l’avait enseigné ce prêtre des années avant, mais surtout j’essaie de me
concentrer sur « les bonnes actions ». L’avis des autres m’importe
peu, voir pas du tout, je discute et partage des repas avec des SDF, j’essaye
de concilier des personnes en conflit et tente à ma façon et à mon humble
niveau de donner un peu de bonheur autour de moi.
A cette époque je suis donc croyant, je crois en un Dieu
créateur qui nous recommande le bien, qui condamne le mal. Dieu est dans mon cœur
mais je n’en parle jamais, n’évoque jamais son nom, je ne dois de comptes à
personne sauf à lui sur mes actes.
Il y a 10 ans maintenant, mon parcours professionnel me fait
atterrir en Tunisie. Très grand choc
culturel pour moi, mais surtout religieux. Non pas dans une pratique
ostensible, mais dans le verbal. Allah est utilisé dans toutes les discussions,
je suis tout d’abord étonné, intrigué puis finalement curieux de savoir ce qui
poussait la plupart des gens que je côtoyais à évoquer Allah pour chacune de
leurs actions quotidiennes. Moi qui venait de France, ou la croyance n’était
que rarement un sujet de discussion.
Je décide à l’époque de me renseigner sur cette religion
étrangère et sur Allah. Une visite des plus anodines à Tozeur au parc ChakWak enflamme
l’étincelle de ma curiosité : y est représenté l’arbre des religions, l’histoire
des prophètes qui se rejoignent sur ce Dieu unique : Yahvé, Dieu, Allah
quelque soit sa dénomination.
A mon retour, je me plonge dans la lecture du Coran (une
édition traduite en français achetée à la Médina), je profite d’un long weekend
end pour lire, lire, lire.. Je dévore les pages, je lis et relis surtout les
versets relatifs aux chrétiens. Peu à peu, je trouve réponse aux questions qui
m’ont toujours « intrigué » en tant que Chrétien, je comprends
comment les hommes bien après la mort de Jésus ont transformé le sens du fils « spirituel »
de Dieu en Fils de Dieu. Je comprends comment les juifs ont détourné les
paroles de Dieu de la Torah pour créer le Talmud, je comprends que Dieu est
bien le grand architecte de cette religion qu’il parachève avec le Coran
transmis via son messager Mohamed. Je comprends que nous sommes tous Muslim,
nous sommes tous musulmans, nous sommes tous croyants (juifs, chrétiens et « musulmans »),
nous faisons tous partie d’une grande famille, nous sommes tous les enfants de
Dieu. Je comprends que la fierté des
hommes a toujours empêché cette Ouma, chaque peuple s’arrêtant à vénérer son
prophète.
Ce fut une révélation pour moi, il me fût alors
indispensable de relire la Torah, puis la Bible pour comprendre l’ensemble de l’œuvre
que Dieu nous a laissé. Après des nuits de lecture, d’annotations, tout s’est
éclairé pour moi, la Torah est la loi, Jésus le modèle de pratique, Le Coran la
clé de voute et le testament pour toutes les générations futures. Chaque
croyant avait donc tout ce dont il pouvait espérer pour discerner le bien du
mal, le modèle de pratique et les dernières recommandations pour que ces
valeurs traversent les générations. J’avais l’impression d’avoir découvert la
voie, ma voie.
Ma première réaction fut de savoir si moi, à titre
personnel, j’étais éloigné de cette voie.. personnellement je me suis
positionné comme un croyant « moyen », j’évite le mal, j’essaye de
faire du bien, je donne aux pauvres, je m’incline et prie Dieu, à ma façon
certes mais dans le Livre (Torah, Evangile, Coran), Dieu ne nous détaille pas
la prière, ce qui pour moi ne doit donc pas être d’une importance capitale, l’essentiel
est le fond, la profondeur de la prière, la forme importe peu..D’ailleurs, Dieu
lui-même tourne en dérision ces hommes qui enchainent des gestes frénétiques
dans les synagogues alors que leur âme est détournée de Dieu..
Ensuite, je porte un regard sur le monde qui m’entoure,
comment les hommes ont-ils transformé et réduit La religion a ce que nous
observons aujourd’hui. Triste constat pour moi, les hommes s’entretuent au nom
de la religion, chaque division prêche pour son camp et préfère une approche
sectaire, se concentre sur la forme de la pratique plus que le fond, mélange à
souhait tradition, culture, religion, mimétisme..
Quelque temps plus tard, je décide d’embrasser l’Islam, non
pas l’Islam qui débute avec le prophète Mohamed, l’Islam, celui que Dieu à
commencé avec Abraham et qu’il a achevé avec le Coran. Je décide donc de me
convertir, bien que déjà croyant, je me converti pour re-rentrer dans cette
religion. Je me converti pour confirmer à Dieu que je pense avoir compris l’œuvre
qu’il nous a laissé. Oui j’essayerai de respecter la loi, la pratique et les
recommandations que Dieu a bâti pour les hommes et femmes les plus persévérants.
A cette époque, j’ai beaucoup de ferveur, la lumière m’habite
et j’ai envie de partager, ce qui fut pour moi une découverte avec les gens qui
m’entoure. Je rencontre des imams, qui sont surpris de mon approche de la
religion, tous me félicitent pour ma conversion, mais leurs propos me choquent,
ils me parlent du Coran certes, pas de la Bible, encore moins de la Torah, et
que l’Islam ne s’arrête pas au Coran mais que la Sounah est également à prendre
en compte pour être un bon musulman. Sounah ? Qu’est ce que c’est ?
On me donne des recueils de hadiths, des dizaines de livres écrits par des
savants, je lis, relis..
Mon désarroi est grand, j’avais découvert tant de lumière et
de chaleur dans le Coran et les évangiles que je tombais de haut à la lecture
de ces lignes dites « prophétiques ». Tout ce qui était clair pour
moi se trouve embrouillé par ces recommandations, concepts bien éloignés de l’esprit
du Livre de Dieu.
Je cherche comment cette « tradition prophétique »
a pu être construite, établie pour être assimilée au Coran jusqu’à aujourd’hui.
Des millions de hadiths écrits, les premiers furent écrits plusieurs siècles
après la mort du Prophète Mohamed.. Une classification « sahih » pour
ceux qui sont sûrs de part la chaine de transmission (5 générations tout de
même !). Ce qui reviendrait aujourd’hui à assurer au mot près une déclaration de
Napoléon III par la fiabilité des personnes rapportant ces mots..Difficile d’adhérer à ce principe. Ma stupéfaction est d’autant
plus grande, lorsque je trouve un des hadiths dits « sahih » du
Prophète lui-même s’adressant à ses fidèles en leur disant « n’écrivez
rien de moi à l’exception du Coran ». Si l’on ne retient que celui là,
comment justifier l’écriture des autres ! Ma décision est alors prise, l’Islam
n’englobe pas ces écrits que je pense pervertis par les siècles, califats et
pressions diverses ayant bouleversé la religion depuis des siècles. Le Coran ne
nous dit il pas qu’il est complet et parfaitement détaillé de toutes choses ?
Je retourne voir des imams pour leur faire part de ma
pensée, je vois bien que mes questions dérangent et qu’aucune réponse ne permet
de me convaincre. Cela me rappela mes questions sur le Saint Esprit lorsque j’étais
« chrétien », c’est comme ça, point.
Les imams tentent de me convaincre que sans la Sounah on ne
saura pas comment prier, comment faire zakat, etc.. Mais j’ai toujours su
prier, prier avec le cœur, incliné devant Dieu, me repentant de mes péchés, demandant
le soutien de Dieu pour les autres, pourquoi avais je besoin de savoir ou
placer mes mains, calculer combien d’inclinaisons, tous ces principes me
semblent bien matériels et terrestres pour être divins ! Pour la Zakat, de
quoi a-t-on besoin de plus que ce que Dieu nous a déjà expliqué dans maintes
versets, paraboles, exemples de Jésus ?? Donnes ce que tu peux sans
compter à celui qui en a besoin, de quoi ai-je besoin de plus ?
On m’explique que la Sounah permet d’expliquer des versets
qui ne sont pas compréhensibles dans le Coran.. Mais je lis dans le Coran que
Dieu à volontairement exposé des versets explicites et d’autres qui ne le sont
pas pour que les hommes s’égarent en voulant y trouver un sens (Sourate3/Verset
7)..
Je suis donc profondément convaincu que le cœur de l’Islam
est uniquement dans ce qu’a bâti Dieu pour nous au travers de la Torah, les évangiles
et le Coran, et que rien ne peut lui être associé, et surtout pas des créations
humaines même si celles-ci partent à la base d’une volonté pieuse. Les juifs
ont pervertis la Torah par le Talmud, qu’ils préfèrent appliquer, les chrétiens
ont pervertis le modèle de Jésus par les décisions de concile (notamment celui
de Nicée en 325 apJC où l’on décida que Jésus était le fils de Dieu), et les
musulmans ont perverti le Coran avec les écrits humains de la Sounah.
Telle est mon interprétation de l’Islam, à défaut de beaucoup,
je ne cherche pas à imposer mon point de vue, juste à expliquer ma foi et ma
croyance. Cela me vaut d’être catégoriser par bon nombre de croyants de « coraniste »,
d’ «apostat », mais que m’importe j’ai ma conviction forte et
profonde.. Au jour du jugement, je préfèrerai dire à Dieu que j’ai essayé d’appliquer
ce qu’il nous a laissé plutôt que de suivre aveuglement ce que des hommes ont
pu écrire..
Voilà le récit de ma conversion et de ce anime mon cœur et
mon esprit..
Et c’est ce parcours qui me fait repousser de toutes mes
forces l’application de la charia comme source de loi et base de constitution,
car la charia telle qu’elle est définie aujourd’hui se base essentiellement sur
les hadiths prophétiques au même niveau que le Coran.
La religion, la croyance est uniquement personnelle à l’image
de mon parcours spirituel, et nous ne devons ni imposer, ni juger car Dieu a toujours
guidé qui il veut et au moment où il le veut...
MBI